La longue construction de la périphérie
Après 1945, le rythme de développement urbain de Perpignan reprend doucement. La cité, cœur d'une province désindustrialisée, confirmée dans sa vocation agricole et vouée au développement du tourisme balnéaire, reste à l'écart des processus de densification accélérée qui ont transformé les grandes villes françaises. A Perpignan, il y a continuité entre l'avant et l'après-guerre. Dans les quartiers Sud consacrés à l'habitation et au Vernet se poursuit un long processus de construction de basse densité qui donnera comme résultat un bâti homogène et de qualité. Puis, la construction d'une périphérie plus lointaine est envisagée: au Sud, entre les quartiers des maisons de ville si caractéristiques de Perpignan et la banlieue commerciale et résidentielle sans caractère spécifique, se lève le projet urbain le plus ambitieux de la ville : la cité nouvelle du Moulin-à-Vent. Un vaste quartier homogène et souple aux tours et aux résidences fonctionnelles, aux espaces publics ombragés, aux détails d'architecture et aux matériaux évocateurs des traditions régionales.
Sans rupture franche entre les deux moitiés du siècle, le modernisme assagi de Férid Muchir atteint sa maturité, tout en combinant les alternances savantes entre la nudité géométrique - l'immeuble qui abrite son cabinet boulevard Bourrat - et l'inspiration de modèles vernaculaires - Maison Bressac, cours Palmarole. Il en ressort un habitat de qualité fonctionnelle et esthétique. Cette modernité d'inspiration locale est accompagnée par d'autres modernités cosmopolites, par exemple d'influence américaine, comme la maison Espel de l'architecte Abelanet.
L'architecture publique de la période, tout en restant modeste, ne renonce pas aux programmes et aux enjeux du temps : la nouvelle architecture hospitalière - Clinique Roussillonnaise - l’architecture liée aux transports routiers - la gare routière des Courriers Catalans - et l'architecture aéroportuaire - aérodrome de la Llabanère - en témoignent. Ce sont des architectures utilitaires mais aussi des architectures iconiques d'une modernité qui petit à petit perd son élan avant-gardiste pour devenir modernité tardive : l'architecture du Palais de Congrès dans sa version d'origine puis dans sa réfection - introduisant des lignes obliques et des matériaux autres que le béton, l’acier et le verre - en est un bon exemple.
Le retour des répertoires historiques liées à la Postmodernité sont représentés dans l'architecture scolaire du Lycée Maillol au quartier du Vernet : les formes géométriques pures des pavillons de la façade principale rappellent l'architecture parlante des Lumières alors que le plan d'ensemble rend hommage à la tradition du jardin à la française.
Architectures d'après-guerre
Le Moulin-à-Vent, une « ville nouvelle » réussie aux accents méditerranéens
Grand projet de Paul Alduy, maire de Perpignan de 1959 à 1993, ce quartier s’étend sur une centaine d’hectares. Ses 5 385 logements pouvant accueillir près de 18 000 habitants ont fait face à l’expansion démographique à l'arrivée des rapatriés d'Afrique du Nord et ont permis l’accession à la propriété des classes moyennes. De 1962 à 1990, cette opération originale a été menée par la Société Immobilière de la Ville de Perpignan, une société d’économie mixte de construction associant la municipalité à des banques. Elle a engagé différents cabinets architectes, comme Pierre Ferrand, Joseph Benezet ou Marcel Sayrous, qui ont su assurer la continuité d'un projet cohérent. L’échelle humaine et la relative diversité du bâti, la douceur des lignes courbes, la qualité et la végétalisation des espaces publics, les nombreux équipements collectifs, socio-culturels et sportifs, contribuent à sa réussite. La consonance régionale des toponymes, les ramblas, l’homogénéité et la teinte méditerranéenne de l’architecture, loggias et arcades, murs blancs et toits en tuiles, confèrent une forte identité à ce grand ensemble.