Entre la démolition des remparts et la Grande Guerre, la Ville de Perpignan connut un essor lié à l'activité industrielle, commerciale et du négoce. Le cadre urbain élargi servira à abriter de nouvelles mœurs, de nouvelles normes de sociabilité. La ville s'agrandit, s'enrichit et se modernise.
Le quartier de la gare est définitivement intégré à la ville, perdant son caractère semi-rural pour devenir un espace urbain parsemé d'industries, de magasins et d'hôtels particuliers.
La grande bourgeoisie se sert de l'architecture pour se montrer dans la scène urbaine cherchant des compromis entre les modes actuelles - celle de l'Art nouveau, par exemple - et les certitudes des conventions académiques de l'éclectisme. Ces commanditaires sollicitèrent de leurs architectes des architectures de la représentation d'un statut social mais aussi des espaces de vie de tous les conforts modernes.
De nouveaux mœurs et de nouveaux loisirs façonnent la ville avec des architectures d'une nouvelle monumentalité abritant le cinéma, les grands magasins, les lieux de sociabilité : le Cinéma Castillet, la Patinoire, les cafés, le kiosque à musique, les nouveaux magasins.
Des architectures fonctionnelles répondent à des besoins de la cité contemporaine. L'architecte Léon Baille imagina l'architecture scolaire de la ville et l'hôpital Saint-Jean au Vernet.
La ville se construit et s'étend, elle se donne aussi de nouvelles ambitions : par exemple, celle, aujourd’hui disparue, de se consolider comme cité industrielle ou celle, jamais accomplie, de devenir ville touristique thermale et balnéaire à l'instar de Vichy, de Nice ou de Pau.
Cette transformation nécessite le concours d'architectes. Les pionniers à ouvrir cabinet ou venir exercer leur métier à Perpignan à la fin du XIXe siècle, Claudius Trénet, Viggo Dorph Petersen, Léon Baille, en appellent à d'autres, Eugène Montès, Henry Sicart, Raoul Castan... toute une génération d'architectes exerçant en professionnels libéraux et contribuant au développement de ce collectif professionnel.
Si dans les choix formels l'introduction des nouveautés n'est que partielle et la convention esthétique l'emporte souvent, force est de constater que le renouvellement technique de la construction est au rendez-vous au début du XXe siècle. Les structures en béton conçues par le cabinet d'études parisien François Hennebique furent introduites dès le début du siècle par l'architecte Viggo Dorph Petersen et par l'agent Hennebique à Perpignan, Julien Charpeil. Cette nouvelle technique et ce nouveau matériau connurent un vrai essor à Perpignan et en Roussillon, comme en témoigne le fait que la revue de l'entreprise Hennebique Le béton armé consacra un article en 1909 à ce type de réalisations en Roussillon.
Architecture privée
L'architecture privée de la Belle Époque exprime les attentes d'une cité des notables. Les hôtels particuliers, les villas, les châteaux ou encore les immeubles de rapport suivent les critères du confort moderne et adoptent les codes stylistiques de la période. Claudius Trénet publie un Recueil de Villas à l'attention du lecteur spécialisé mais aussi du commanditaire potentiel. La grande manière de Viggo Dorph Petersen à l'Hôtel Drancourt, les influences Art nouveau dans l'architecture d'Henry Sicart à l'Hôtel Vilar ou de Claudius Trénet à la Maison de l'Américaine, les décors sculptés ou polychromes de Guénot à l'Hôtel Sisquelle, conçu par l'architecte Eugène Montès, témoignent de ce renouveau. Le confort moderne se traduit par des modèles de distribution de l'habitat répondant aux besoins du cadre vie voulu par la bourgeoisie de la période en y intégrant les nouveautés techniques, comme l'éclairage au gaz mais aussi éléctrique, le chauffage central, les salles de bain sophistiquées.
L'architecture publique
L'architecture publique de Perpignan à la Belle Époque connut un développement limité. Dans le domaine des équipements et des architectures utilitaires ce fut sans doute l'œuvre de l'architecte Léon Baille qui mérite d'être retenue : l'architecture scolaire et bien entendu l'hôpital de Saint-Jean, après avoir gagné un concours auquel participèrent des architectes de renom comme les Carlier de Montpellier. En ce qui concerne les architectures abritant des services, il faut signaler, par leur caractère monumental, le cinéma Castillet d'Eugène Montès et les grands magasins (Aux Dames de France de Debri et le Grand Bazar de Sambres).